Du réel... (Partie1) 

    Leur précédent luna-park était déjà télescopique. Mais après une longue carrière de bons et loyaux services, il accusait un peu trop le poids des ans. Il faut dire que les métiers forains souffrent terriblement des nombreuses séances de montage-démontage. Les terrains parfois peu praticables sur lesquels ils sont installés mettent la rigidité des superstructures à rude épreuve. Les variations climatiques que nous connaissons en Belgique complètent ce tableau peu idyllique. La décision fut donc prise de commander un nouvel outil de travail. 

 

 

 

Un an déjà... 

    C'est en mai 2009 que l'engin fait son apparition, à l'occasion de la foire de l'ascension à Saint-Ghislain (près de Mons-Belgique). Habitué à la masse grisâtre de son prédécesseur, il me fallut quelques secondes pour l'identifier. Pourtant, les motifs du fronton étaient restés presque identiques. Ce qui m'a fait hésiter, c'est l'énorme façade d'un blanc immaculé. Et qui plus est, surplombée d'une fresque de 3 mètres de haut!

 

    A l'ouverture du champ de foire, les heureux propriétaires étaient passablement fatigués et soulagés. La veille encore, c'était le chassé-croisé des électriciens, l'un pour placer les goulottes d'alimentation électrique, l'autre pour câbler le système d'alarme anti-intrusion, le tout au milieu des jeux et des lots à déplacer au gré de l'avancement des travaux!

 

Une gueule d'enfer !

 

    Oui, il en jetait, le nouvel engin! Et pour cause... Vous aurez peut-être remarqué que l'avant du luna-park est surmonté d'une structure métallique dont je vous expliquerai l'utilité un peu plus tard. Voyez plutôt:

 

 

    Cette pièce ne devait pas rester levée une fois la baraque montée. Stany, le propriétaire, avait prévu qu'elle soit escamotable et cachée par le fronton. Une incompréhension avec le constructeur et elle est là, la pièce! Et bien là! Une solution fut trouvée pour dissimuler "l'horreur". Des plaques peintes viennent normalement s'y fixer. J'ai vu le résultat. Il est impressionnant. Avec la hauteur, l'effet d'optique est saisissant! Mais voilà: le peintre n'a pas respecté le dessin projeté et Stany se refuse maintenant à installer la fresque. Et un deuxième argument "de poids"  vient le conforter dans sa décision. A l'usage, la décoration se révèle lourde et très difficile à manoeuvrer! C'est ainsi que le décor trône (à l'envers) depuis plus d'un an à l'arrière  de son tracteur Scania !

 

 

    (Je tenterai de le convaincre de remonter la fresque une seule fois, pour vous montrer l'effet obtenu. Je maintiens pour ma part que c'était époustouflant !)  

 

 

    Je peux vous assurer que l'homme est toujours très fâché de cette situation! Enfin, une solution semble se dessiner pour masquer l'encombrante pièce. Mais chuuutt... J'ai promis de garder le secret!

 

Silence! On tourne... ou  "La bête et l'horreur"

 

    Comme promis dans l'introduction de ce chapitre, je vous propose un mini reportage photo du montage du luna-park, agrémenté, pour les novices, des commentaires de votre serviteur. Ne vous étonnez pas de la crasse jonchant la place mise à disposition. En fait, les photos ont été prises... lors d'un démontage! Allez, c'est parti:

 

 

 

    Le placement de la semi-remorque se fait ici en marche arrière et presque "en ciseau". Cela arrive de plus en plus fréquemment. Les stabilisateurs sont alors réglés. On leur ajoute éventuellement d'épaisses cales de bois pour compenser une forte différence de niveau.

 

 

    Les stabilisateurs jouent un rôle primordial dans l'équilibre de la remorque et l'ensemble du manège. La sécurité même des manèges dépend de l'excellente stabilité de la remorque porteuse! De plus, dans ce cas précis, les longues parois risquent d'être vrillées et leurs charnières tordues! Le manège est alors bon pour la casse...  

    Les essieux ont également leur particularité. Equipés comme il se doit d'une suspension pneumatique, il peuvent être relevés. Sur terrain en pente, cela permet d'abaisser l'arrière de la remorque presqu'au ras du sol, diminuant alors d'autant la hauteur d'accès à l'avant du luna-park! 

 

     Reconnaissez-vous la pièce blanche en forme de T renversé qui repose sur la sellette du tracteur? Non? Allez, je vous l'ai agrandie:

 

 

    Et oui, c'est "l'horreur", ici dans sa position route. Cette pièce est d'une importance cruciale: elle relie la remorque au tracteur. 

 

    Note à Béné: Le propriétaire appelle cette pièce le dolly. Je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point. En effet, un dolly est un morceau de châssis équipé d'un ou de plusieurs essieux. Il est lui-même fixé (et pivote) sous une remorque à tracter. Il est relié au camion tracteur par un triangle de remorquage ou, pour les remorques de type convoi exceptionnel, par un col de cygne qui se raccorde à la sellette. En raison de cette divergence de vue, mais n'ayant en tête aucun terme technique adéquat, je continuerai à nommer cette pièce: "l'horreur".

 

    Côté luna-park, elle est retenue autour d'axes fixés sur le haut de la remorque. On peut les deviner sur cette photo (horreur en position relevée) :

 

 

    En position route, elle est également fixée au bas du châssis, grâce à deux vérins. Vous pouvez observer ceux-ci en position verrouillée, une fois l'horreur relevée, bien entendu:

 

 

    Revenons à notre horreur. La partie horizontale est elle-même articulée. Il faut pour cela la déboulonner. C'est ce à quoi est occupé le technicien sur cette photo:

 

 

 

    Interlude (Béné n'est pas disponible): Comment pourrait-on surnommer ce technicien? Un déboulonneur? Raté! Pour le coup, c'est un boulonneur! Vous n'avez pas suivi? Je récapitule: sur cette photo de montage, il déboulonne. Mais si vous avez bien suivi, il s'agit de photos d'un démontage, placées en ordre inverse. Et quand on démonte, il doit boulonner... pour remonter la pièce... OK? Non? Pas grave...

 

    Une fois les boulons... déboulonnés, on actionne un vérin pour rabattre le morceau horizontal:

 

 

    On actionne alors 4 autres vérins qui vont placer l'horreur en position relevée:

 

 

Fronton un jour, fronton toujours (Oui, bon... Je fais ce que je peux!)

 

    Il est maintenant temps de s'occuper du Joker et de sa dentition qui ferait pâlir de jalousie plus d'une vedette d'Hollywood ! D'autant qu'avec ses grelots, il a du peps, lui ! Le fronton, disait-on, est décomposé en 3 sous-ensembles. Les deux latéraux, articulés, sont fixés à la remorque pour la transport. Exceptionnellement et uniquement pour vous, Joker a accepté de poser de face et de profil. Profitez-en, il ne le refera pas tous les jours!

 

N'est-il pas mignon ? 

    Les panneaux latéraux sont alignés et fixés. Les plaques rouges sont munies de lampes blanches. Elles sont rabattues à l'horizontale:

 

 

 

    On y fixe alors des luminaires complémentaires qui enjolivent le fronton:

 

 

Silence... On ouvre! 

 

    Si vous êtes attentif, vous constaterez qu'entre le fronton replié et ouvert, le luna-park s'est déployé tout seul ! Magique ? Pas tout à fait. C'est toujours simplement dû au fait que j'ai photographié un démontage et inversé les photos ! Voici donc la suite logique. Une première paroi latérale est relevée :

 

 

On aperçoit la structure métallique supportant le plancher.

 

    Au final, elle servira de toiture latérale (mais avant, il lui reste une mission à accomplir). Des stabilisateurs vont être déposés à terre pour supporter le plancher. On peut les apercevoir sur la photo suivante. La mauvaise qualité de la photo ne le montre pas bien, mais le plancher est également pourvu de vérins. Il va ainsi descendre lentement:

 

On ne passe pas sous le plancher, Carmen! ( Je cite ! )

 

    Mais que diable font les monteurs agenouillés sur la photo suivante ? Fatigués ? Peut-être mais ce n'est pas la raison principale! Ce n'est pas directement le plancher que vous apercevez sous eux. C'est la paroi latérale du luna-park qui est reliée au plancher par une charnière qui court sur toute sa longueur (12 mètres quand même ! ).  Des barres de levage ont été placées dans cette paroi. Elles vont servir à y fixer des chaînes qui, à l'autre extrêmité, sont attachées à la toiture. Voilà pourquoi celle-ci est abaissée: elle va servir à relever laparoi !

 

 On ne griffe pas la carrosserie ! Donc, à pieds nus !

 

Allez, c'est parti!

 

 Encore un peu...

 

 

 Et voilà !

 

    Evidemment, entre les deux dernières photos, il faut rentrer dans le luna-park et guider la paroi vers une gorge aménagée dans le plafond. On redescend celui-ci. Si l'on a bien travaillé, la paroi est bloquée. Sinon ? Ben... On recommence ! On vérifie que le fronton est toujours là ? 

 

On aperçoit les câbles des Led qui vont illuminer le fronton.

 

    Nous voilà rassurés: Il n'a pas bougé ! Alors, on peut refermer la boîte. On commence par l'arrière. Pourquoi l'arrière ? Parce que j'ai oublié de photographier la fermeture à l'avant ! Restons sérieux et revenons sur une autre particularité du montage : les "petites" parois sont soudées à leur axe de rotation. Un petit vérin presque caché dans le châssis soulève l'axe, et donc la paroi. On ne frotte alors pas le plancher durant le mouvement. Et on ne griffe pas le lino du plancher ! Une fois à destination, on abaisse le vérin et... Hop, la paroi se bloque contre le plancher. On verrouille le tout et l'affaire est conclue. Enfin, presque : il faut déployer l'autre côté !

 

                            Le vérin...                                                      Et hop! C'est fermé !

 

Vu de l'intérieur, cela donne ceci.

 

On peut deviner les "petites" portes à l'avant.

 

    Et le fronton ? Il a disparu ? Oui ! Il est en place. Stany a profité que je fumais une cigarette pour actionner les vérins qui le montent à hauteur définitive. Encore des vérins? Oui, mais pour pousser le fronton vers le haut. Pour le guider, il y a des rails, que voici:

 

 

 

    Le circuit hydraulique peut à présent être mis au repos. Stany tient d'ailleurs à vous présenter celle qui a effectué tout le travail lors des manoeuvres :

 

 

    Vous pensiez faire connaissance de sa femme ? Raté ! A ce moment du montage, c'est la télécommande qu'il chérit le plus ! 

 

    Grâce aux photos des manoeuvres des parois, vous devez maintenant être convaincu de l'importance de l'équilibrage de la remorque. Un problème à ce niveau et c'est la catastrophe... Matérielle, bien sûr. Financière, par conséquence. Mais le plus grave et dans le pire des cas... C'est surtout la catastrophe humaine. Cela vaut pour toutes les attractions. Les forains le savent bien et c'est pour cette raison qu'en professionnels, ils passeront un temps parfois énorme à assurer la stabilité du métier !  

 

    Après avoir examiné la stabilité, passons maintenant à la rigidité. Sur ce point, l'arrière de la remorque, avec les montants et les parois de la caisse semble bien armé:

 

 

    Par contre, l'avant n'est équipé "que" de deux montants. Certes, ils sont costauds mais d'un point de vue rigidité, surtout lors du transport, ce n'est pas suffisant. Alors, on a renforcé: Deux supports sont boulonnés dans le châssis.

 

Un des supports

 

    On y fixe des barres rigidifiantes. Celles-ci sont raccordées aux montants avant comme on peut le constater sur les trois photos qui suivent:

 

 

    Evidemment, ce dispositif va être démonté à ce stade.

 

 

 

 

Revenez régulièrement consulter la suite du reportage.